Les fermes sont-elles trop grosses ?

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L’agriculture française reste essentiellement familiale. Toutefois, de nouveaux modèles d’organisation éclosent pour contribuer à répondre aux grands enjeux de notre siècle. François Purseigle, sociologue, nous partage sa vision.

Les exploitations agricoles françaises se caractérisent encore par un modèle familial autonome, avec une taille moyenne de 69 ha, soit l’équivalent de 97 terrains de football, et l’emploi de 1,7 équivalent temps plein*. Mais, pour répondre aux grands enjeux auxquels fait face l’agriculture au 21ème siècle, moyenne de 69 ha, soit l’équivalent de 97 terrains de football, et l’emploi de 1,7 équivalent temps plein*. Mais, pour répondre aux grands enjeux auxquels fait face l’agriculture au 21ème siècle, les chefs d’exploitation se muent progressivement en entrepreneurs dotés d’une vision stratégique. De nouveaux modèles d’organisation voient le jour et « désormais, le visage des exploitations est résolument multiple : il s’incarne dans une pluralité de stratégies », affirme François Purseigle, sociologue. D’une part, l’agriculture évolue pour s’adapter à l’effondrement démographique des agriculteurs. En effet, certains conjoints font le choix de travailler à l’extérieur pour sécuriser le revenu des ménages, et les exploitations familiales ont de plus en plus de mal à trouver repreneurs y compris chez les enfants d’agriculteurs. D’autre part, des facteurs externes les poussent à se reconfigurer ; elles doivent notamment répondre aux enjeux de transition écologique et aux nouvelles attentes sociétales. Pour François Purseigle, « ces nouvelles injonctions peuvent paradoxalement conduire à agrandir les exploitations agricoles, qui devront avoir les moyens organisationnels d’y répondre ».

Ainsi, le chercheur observe le développement de grandes structures capables d’anticiper et répondre aux nouvelles exigences de la grande distribution et des transformateurs : cahiers des charges, standardisation, conditionnement… « C’est plus difficile pour les petites exploitations, qui sont les plus en difficulté », estime-t-il. Cette mutation de l’agriculture conduit-elle à l’apparition de fermes usines ? « Je ne sais pas vraiment ce qu’on entend par ferme usine », répond François Purseigle. « Pendant des décennies, les chefs d’exploitation détenaient leur capital (terres, bâtiments, matériel, cheptel…). Aujourd’hui, ce n’est plus systématique. 10 % des exploitations françaises, les plus grandes, font l’objet de nouvelles formes de rationalisation qu’on retrouve beaucoup dans les filières fruits, légumes et viticoles. Certains grands domaines viticoles sont d’ailleurs détenus par des investisseurs, pourtant on ne parle pas de fermes usine. » Et quid de l’élevage ? « Les couples exercent encore souvent le métier ensemble, mais cela tend à évoluer, avec plus de salariat ». Des évolutions liées, aussi, à de nouvelles formes de consommation : « la plupart des Français achètent le jambon en barquette au supermarché, et non pas dans les boutiques de producteurs ». Finalement, la diversité des tailles d’exploitations agricoles est nécessaire pour répondre aux différentes attentes des consommateurs.

« L’expression de ferme usine témoigne de la difficulté des Français à accepter que le secteur agricole emprunte de plus en plus à d’autres secteurs d’activité, par exemple en intégrant des fonctions réservées autrefois à l’aval de la chaîne (conditionnement…). On accepte pourtant de l’artisanat qu’il développe des TPE et PME ». Quant à l’avenir de l’agriculture française, François Purseigle en est convaincu, il se trouve dans la coopération : les fermes devront travailler en réseau et être compatibles entre elles, même si elles ne s’agrandissent pas. Elles devront intégrer des salariés et externaliser certaines activités. « En Bretagne, le travail salarié est largement développé. La question est de savoir s’il va se développer aussi dans l’élevage bovin lait, car la capacité à maintenir la collecte de lait dépendra de la capacité de prendre en charge l’activité de production », conclut-il.

*Source : Agreste


Mégane Le Bars, éleveuse laitière à St-Meen (29)

« C’est difficile de comprendre ce qu’un consommateur considère comme étant une « grosse ferme ». Pour vivre correctement, dans toutes les productions agricoles, il faut une surface minimum par personne. Ici, nous sommes 2,5 équivalents temps complet pour 120 vaches à la traite, soit 50 vaches en moyenne par personne sur une surface de 120 ha. Après plus de 2 ans de salariat sur la ferme familiale, je me suis installée comme associée auprès de mon père en mars 2022. Ma mère y travaille à mi-temps. Nous organiser en société permet d’améliorer notre qualité de vie d’éleveurs, et de souffler le week-end. Mais nous tenons à garder un maximum d’indépendance sur la ferme, quelques travaux sur les cultures sont délégués mais nous faisons le maximum nous-mêmes. La taille humaine de notre structure nous permet de maitriser nos animaux au quotidien. C’est avec eux que nous gagnons notre vie. Leur bien-être est important, tout comme le nôtre. Pour améliorer le quotidien, nous avons entre autres agrandi la salle de traite et aménagé 900 m de chemin pour les 35 ha de pâtures. En fait, plus que la taille des fermes, c’est la qualité de la production qui prime. »